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Surprise d'octobre

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La « Surprise d'octobre » est le surnom donné à une hypothèse en rapport avec la libération en des 56 otages américains détenus depuis à l'ambassade des États-Unis en Iran, et selon laquelle l'entourage de Ronald Reagan aurait négocié secrètement avec les Iraniens pour empêcher la libération des otages avant l'élection présidentielle d', à laquelle il est candidat, afin que cette heureuse surprise ne bénéficie pas à Jimmy Carter, son rival et président sortant.

De fait, Reagan remporte la victoire, et les otages sont libérés douze minutes après son discours inaugural. L'accord passé entre l'ayatollah Khomeiny et Reagan aurait porté sur une reprise de la livraison d'armements à l'Iran en échange d'une libération tardive des otages, afin de désavantager Carter qui avait essuyé un revers cuisant lors de l'opération commando en pour les délivrer. Quelques années plus tard, le scandale de l'affaire Iran-Contra, lié aux Contras du Nicaragua, éclate.

Accusations

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Bani Sadr, ex-président de la république islamique d'Iran, et Gary Sick, ancien membre du Conseil de sécurité nationale à la Maison-Blanche, principal conseiller du président sur les affaires concernant le Golfe Persique, ont affirmé[1] que Ronald Reagan s'était arrangé pour faire en sorte que les otages ne soient pas libérés avant son élection, afin de ne pas créer une « surprise d'octobre » qui aurait profité à son concurrent et président sortant, Jimmy Carter (qui doit sa défaite électorale en partie à cette affaire des otages).

Ceux qui soutiennent cette théorie affirment que des Républicains de l'entourage de Reagan, ayant des connexions avec la CIA, parmi lesquels George H. W. Bush (un temps directeur de la CIA), ont négocié avec le régime hostile de Khomeini afin de retarder la libération des otages. En échange, les Américains fourniraient des armes à l'Iran et débloqueraient les fonds financiers gelés par le gouvernement américain.

État des tractations réelles et putatives

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Au printemps 1980, l'ayatollah Khomeini discute avec les deux candidats présidentiels, Carter et Reagan[2]. Les pourparlers ont fait appel aux protagonistes de l'affaire Iran-Contra ainsi qu'aux deux pays liés à l'Iran par des accords nucléaires, la France (via Eurodif) et l'Allemagne (contrat pour la centrale de Bushehr, devant être construite par Kraftwerk Union)[2].

Mais au début d', Khomeini publie un communiqué, affirmant que « les otages resteraient aux mains des étudiants islamiques jusqu'à la réunion du Parlement. »[3]. Selon l'ex-président de la république islamique Bani Sadr, « Cette démarche était pour moi synonyme de blocage définitif. (…) Ce communiqué de Khomeiny était l'aboutissement des contacts (avec les proches de Ronald Reagan) et qui n'avaient qu'un seul but: empêcher la libération des otages avant les élections américaines de novembre 1980 pour handicaper Carter dans sa réélection. »[4].

Le lendemain du communiqué, , Carter rompt les relations diplomatiques avec l'Iran[5]. Deux semaines plus tard, il lance l'opération Eagle Claw, pour essayer de libérer les otages par un commando. Celle-ci échoue. « Par une troublante conjonction de malchance »[6], trois hélicoptères sur huit tombent en panne, et un quatrième s'écrase[5].

En , Zbigniew Brzeziński, conseiller à la sécurité nationale américain, rencontre Saddam Hussein à Amman, en Jordanie, étudiant « la manière dont les États-Unis et l'Irak pourraient coordonner leurs activités » pour s'opposer à l'Iran[7].

Au même moment, le président Bani Sadr rencontre un émissaire français à Téhéran[5]. Il se plaint des politiques françaises et européennes envers l'Iran. Son interlocuteur lui répond que Washington mettait la pression sur Valéry Giscard d'Estaing[5].

Le , Saddam Hussein, après avoir dénoncé les accords d'Alger (1975), déclencha la guerre Iran-Irak. Pendant quelques jours, l'ayatollah Khomeini poursuit ses contacts avec les deux candidats américains à la présidentielle[8].

Bani Sadr affirme que, deux mois avant l'élection présidentielle, Khomeini passa un accord avec Reagan[9]. Selon lui[9], les négociations ont eu lieu à Paris et à Washington. L'accord portait sur une libération tardive des otages, en échange d'une reprise de l'armement à l'Iran[9]. Dès , affirme-t-il, les États-Unis ont livré des armes à l'Iran[10].

Conclusion des enquêtes parlementaires

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Après plus de douze ans d'enquêtes journalistiques, et la révélation de l'affaire Iran-Contra, les deux chambres du Congrès ont effectué des enquêtes à ce sujet, en concluant à l'absence de telles négociations.

Persistance des accusations

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Le journaliste d'investigation Robert Parry affirme que le , en réponse à une requête du président de la commission, Lee H. Hamilton (en), le gouvernement russe envoya à une commission parlementaire un rapport de renseignement affirmant que Robert Gates, alors haut responsable de la CIA, ainsi que George H. W. Bush, avaient participé à de telles tractations[11],[12].

En 2001, l'ancien banquier Ernest Backes, qui travaillait dans la chambre de compensation Clearstream, affirmait dans Révélation$, un livre écrit par le journaliste Denis Robert, qu'il avait été chargé du transfert de sept millions de dollars de la Chase Manhattan Bank à la Citibank le , transfert qui aurait servi à payer la libération des otages. Il a donné des copies de ce fichier à l'Assemblée nationale.

Postérité de l'expression

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L'expression de surprise d'octobre est réutilisée pour les campagnes ultérieures et fait partie du lexique politique, décrivant le cas où des révélations aux derniers instants de la campagne peuvent faire basculer l'élection. Elle est popularisée en 2016 à la suite des controverses entourant les candidats Donald Trump (propos outranciers (en)) et Hillary Clinton (mailgate)[13],[14].

Notes et références

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  1. Lorentz 2002, p. 90. L'auteur cite Sadr 1989 ainsi que Sick 1991, in Alain Frachon, « Téhéran, point de départ et d'arrivée », Le Monde, no 14573,‎ , p. 7 (lire en ligne) ; et Les hommes de la Maison Blanche, documentaire de William Karel, volet no 2, diffusé par Arte le .
  2. a et b Lorentz 2002, p. 88.
  3. Lorentz 2002, p. 88, cite Chapour Haghighat, Iran, la Révolution islamique
  4. Lorentz 2002, p. 88, cite Sadr 1989.
  5. a b c et d Lorentz 2002, p. 89.
  6. Lorentz 2002.
  7. Kenneth Timmerman, Le lobby de la mort, Calmann-Lévy, , cité par Lorentz 2002, p. 89.
  8. Lorentz 2002, p. 90 cite Sadr 1989.
  9. a b et c Cité par Lorentz 2002.
  10. Lorentz 2002, p. 94.
  11. Robert Parry, The Russian Report
  12. Robert Parry, « The Secret World of Robert Gates », Consortium News, .
  13. (en) Scottie Andrew, « How the phrase ‘October surprise’ entered the political lexicon », CNN, .
  14. (en) Andrea Alexander, « The History of the October Surprise », Rutgers Today, Université Rutgers, .

Bibliographie

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Articles connexes

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